Dora Dei Guardiani Di Mélasco, Cane Corso Italiano

Ce séduisant Italien, cousin du Matin de Nâples et sculpural descendant des dogues antiques, connaît une spectaculaire renaissance. Sauvé en effet de l'extinction par un patient travail de reconstruction, il n'a été que récemment reconnu à l'echelon international. Il fait pourtant deja figure de vedette dans son pays d'origine, et la France l'adopte avec enthousisme : une grande carrière attend ce molosse, dont la gabarit raisonnable et le caractère conciliant sont sans doute les plus puissants atouts.

Un peu d'etymologie : en italien, "cane" signifie "chien" ; jusque là, pas de soucis, même les non connaisseurs de la langue Dante s'en sortent bien. Mais avec "corso", cela ce corse ! Rien à voir cependant, contrairement à ce qu'on pourrait croire, avec l'Ile de Beauté. "Corso" est un terme du dialecte de l'Italie du sud, descendant du latin classique "cohors/cohortis" qui désignait deux choses différentes : la cohorte, mais aussi l'enclo, la cour de ferme, et par extension don robuste gardien ; par l'intermédiaire du latin populaire "curtis", notre mot "cour" en provient également. Le Cane Corso fut-il, avant sa résurgence moderne, le "banal" chien de ferme à tout faire ? Certes, mais pas seulement, car dans ses veines coule un sang de son fameux ancêtre, le molosse antique.
C'est à partir  du IIe millénaire environ avant J-C, qu'on trouve dans l'ancienn Mésopotamie des témoignages iconographiques incontestables de ce type de chien au fort gabarit, à l'ossature épaisse, à la tête puissante, aux oreille tombantes ; ce dogue suméro-assyrien pourrait d'ailleurs bien prétendre être à l'origine des molosses. Existant dans des versions plus ou moins lourdes, il est parfois utilié à la guerre mais sa fonction principale reste la chasse au grand gibier et aux fauves ; un grand prestige semble attaché à sa possession. Lorsque ces chiens, à la faveur des conquêtes et migrations humaines gagnent l'Europe, leurs talents cynégétiques continuent à être employés par les classes dirigeantes : le dogue de chasse est bien identifié à la prédiode médiévale dans plusieurs pays : il se perpétuera dans plusieurs races actuelles. La Cane Corso apparaît ainsi dans la littérature italienne vers le XVIe siecle chez les poètes Teofilo Folengo et Erasmo de Vavasone ; sa spécialité semble être le sanglier. Mais ce chasseur se rencontre aussi dans un environnement paysan, en tant que gardien des fermes et du bétail voir bouvier, exerçant sur cochons, vaches ou buffles ; les protecteurs des troupeaux n'ont en effet pas toujours été des chiens de montagne, l'iconographie nous enseignant que des chiens de type dogue ont aussi officié dans ce contexte. Il est parfois utilisé aussi dans des combats ; un tableau du peintre Hackert, réalisé sous le règne du Roi Ferdinand IV de Naples et Sicile (1751-1825) montre un anphithéâtre ou des Cane Corso s'apprêtent à être lancés contre des sangliers. On rencontre également ces chiens comme garde du corps de professions dangereuses, garde chasse ou même prostituées.
Si le cane corso n'est pas inconnu dans le reste de la péninsule, c'est dans le sud, Campanies et Pouilles, demeuré beaucoup plus rural, que son éxistence et son utilisation se prolongeont plus longtemps ; on le verra encore assez récemment accompagner la transhumance dans les Monts Appenins. On peut se demander par quel rapport de famille le Cane Corso est relié à cet autre molosse d'Italie du sud, terreur passée des arènes romaines, qui s'etait reconverti dans le gardiennage de propriétés : le célère Mâtin de Naples. Au lieu de dire que l'un descende de l'autre, on parlerait plutôt d'un cousinage : étant tous deux les rejetons du molosse présent en Italie à la période antique, ils en représetent une version lourde et une version légère ; notons toutefois que l'ancien modèle du Mâtin de Naples, vers les années 1950, n'avait pas atteint son volume actuel et se rapprochait d'avantage de la morphologie du Cane Corso.